L’ESCLAVE
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Qui pense à moi,
Un homme enchainé ?
Je le fus et je le suis encore.
On m’a volé ma terre
Si riche, me récompensant
À coup de fouet…
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J’ai la peau noire.
On méprise ma vie,
Et crache sur ma tombe.
On m’a saigné, s’est enrichi,
Me laissant dans la fosse
Comme un chien pourri….
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Je n’ai jamais mérité
Un regard de compassion.
Le vol, ce fut votre seul passion.
L’homme blanc s’est hissé,
Grace à moi, sur mon cadavre,
Haut au mât, les voiles a mises,
Mon or chargé et jeté les dés,
Ma femme violée et moi castré.
Enchainé dans son rafiot
Avec tout ce que j’avais d’alors,
Traité comme nègre, pire qu’un chien,
Exploité avec haine de mépris pénétré…
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Si je ne mourrais pas en mer
Où l’on me jeta aux poissons,
Sur vos terres je crevais,
M’incliner je devais.
Ma force et ma volonté furent brisées,
Damné comme le diable, assoiffé,
Des fers aux pieds et des mains,
Je fus trainé…
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Si je cherchais à m’échapper,
Reprit, un pied me fut haché.
Fouetté au sang sans pitié ou larmes
Par leur bonté et d’autres armes…
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Lui le maitre, moi l’esclave,
Rien de rien, un os qui bave.
Mon feu éteint, ne servant plus à rien,
On me jeta dans la fosse
De haine peinte…
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Né comme un homme,
Mort comme un chien,
Battu et abandonné
Comme tous les miens…
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Nous n’avions pas d’âme ni sentiments,
Les maitres eux, exécrèrent le pardon.
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Le temps a passé, mais QUI pense à NOUS
Avec nos millions d’esclaves dans un trou ?
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Silence on fait sur notre sort,
Car il y a des hommes
« Supérieurs » qui sont morts.
À eux on pense, on fait la fête,
On pleure, s’exclame, visage en larmes….
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Jamais nos morts n’ont réclamé
Une prière, un chant, une seule pensée !
Vos cœurs si durs et détestables,
D’un commerce de morts vous êtes coupable !
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Honte à vous et vos semblables
Qui pleurent seulement vos martyres.
Nous, les nègres, à vos yeux ne valent rien,
Même pas l’ongle du pire des chiens...
Allez, gardez votre Christ pour vous,
Clouez-le à la croix… pas NOUS!
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Nous souffrons en silence, dignement.
Nos âmes ne sont pas mortes.
Faites commerce avec les vôtres
Et gardez pour vous… vos apôtres !
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Aucune croix n’orne notre tombe.
Aucune fleur n’y poussera.
Aucun chant l’oreille n’y sonde.
Seul le vent nous balayer osera
De cette terre… La vôtre !
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Un cri étouffé retentit dans la nuit,
Un homme enchainé apparait dans la Lune…
Œil von Lynx- 28 aout 2012